Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lais, où j’essayai inutilement de goûter quelque repos. La pensée que j’habitois enfin les lieux où respiroit Zénaïb, et l’incertitude naturelle que j’éprouvois sur le succès de mon entreprise, ne me permirent pas de fermer les yeux. Je me levai avec plus de diligence que je ne l’avois fait de ma vie ; je me revêtis à la hâte de quelques habits simples, mais galants, et je me dirigeai vers la demeure du souverain de tous les rois, la face à demi cachée dans mon manteau, pour me soustraire aux regards des femmes. Il est vrai qu’on n’en trouve point dans les rues qui n’appartiennent à la classe du peuple, toutes les autres étant retenues dans leurs maisons par l’extrême délicatesse de leurs pieds, qui sont les plus menus, les plus gracieux et les plus adorables du monde, mais qui ne peuvent leur servir à changer de place. Le soleil avoit accompli plus de la moitié de sa course, avant que j’eusse achevé de parcourir la magnifique allée d’arbres qui borde dans toute sa longueur la principale façade du palais.

Rassuré par la solitude qui règne aux environs de ce beau séjour, je laissois flotter mon manteau, quand un cri parti des balcons m’avertit que j’avois été vu, et qu’il étoit trop tard pour cacher ces traits dont les funestes ravages m’avoient déjà causé tant d’embarras et de traverses. Je levai les yeux, imprudemment peut-être, et un nouveau cri se fit entendre. Une jeune princesse, dont j’eus à peine le temps de remarquer la beauté, à travers le trouble et la pâleur de son visage, tomboit sans connoissance entre les bras de ses femmes, et les jalousies, refermées derrière elle, m’en séparaient à jamais.

— Infortunée ! m’écriai-je, quand je fus rentré chez moi, et le front appuyé sur les coussins de mon divan. — Trop séduisant et trop malheureux Mahoud, pour quoi faut-il que vous sachiez plaire à toutes les femmes, si la seule femme dont le cœur puisse avoir pour vous