Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/183

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parts de la forteresse ; car toutes les portes s’ouvroient devant elle. La dernière se referma sur moi, et j’arrivai au milieu de la place publique, en regrettant profondément de ne m’être pas avisé plus tôt d’un moyen si facile de reconquérir ma liberté. Je n’avois pas perdu avec mon talisman la confiance un peu tardive que je fondois sur la bonne volonté des femmes. Je cherchai leurs regards ; j’épiai leurs émotions, j’attendis leur enthousiasme et leurs avances, et je n’obtins que des rebuts. Le jour de mes triomphes étoit passé à jamais. Fiez-vous après cela aux avantages de la nature et aux talismans des génies.

Le commencement de mon récit ressemble au commencement du récit de mon frère Douban le riche, et ces deux récits se ressemblent aussi par la fin. Obligé, comme lui, pendant vingt ans, de subsister aux dépens de la charité publique, j’arrivai à Damas où tout le monde m’indiqua cette maison hospitalière, comblée des bénédictions du ciel et de celles de la multitude. Je venois y demander les aliments d’un jour et l’asile d’une nuit, quand je trouvai à la porte ces deux vieillards, dont l’un est mon frère. Puisse le maître souverain de toutes choses reconnoître l’accueil généreux que vous nous avez fait !


Cette histoire est celle de Mahoud le séducteur, qui avoit le don d’être aimé de toutes les femmes, qui avoit dédaigné à vingt ans le cœur des princesses et des reines, qui avoit gémi pendant trente ans sous le joug de la plus abominable et de la plus méchante des créatures, et qui vivoit, depuis qu’il en étoit délivré, des petites aumônes du peuple, comme son frère Douban le riche.

Quoiqu’elle ne me paroisse guère plus amusante que la première, le vieillard bienfaisant de Damas l’avoit écoutée avec plus d’attention que vous ne lui en avez