Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/259

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recommencera-t-elle ? Oui, n’en doutez pas, elle recommencera ! Il n’y a rien dans cette création qui n’ait ses harmonies et son complément, si ce n’est le cœur de l’homme ; et le rôle d’un jour qu’il joue sur la terre ne seroit qu’un mauvais épisode de plus dans un drame mal fait, si ce drame de dérision et de cruauté se dénouoit par la mort. Cela n’est pas à redouter, parce que cela est impossible.

Il est vrai de dire qu’il faudroit avoir été mort pour pouvoir se former des notions exactes sur cet avenir mystérieux, et cela n’est pas commun. C’est le cas cependant du fameux Islandois de Bessestedt, qui fut extrait vivant de sa bière après huit jours de mort constatée, et qui vécut dix ans depuis dans la pratique des bonnes œuvres, mais sans communication immédiate avec les hommes. Ce sage, nommé ou plutôt surnommé Lazare Néobius (car la critique n’a pas encore éclairci ce point curieux d’histoire littéraire), avoit passé tout le temps pendant lequel il fut retranché du siècle dans le monde intermédiaire où les bons vont recevoir le commencement de leur récompense, et se disposer, par des épreuves plus douces que les nôtres, à recevoir dignement une récompense éternelle. Il y avoit retrouvé, avec un ravissement que l’on croiroit inexprimable s’il n’étoit parvenu à l’expliquer fort éloquemment, sa famille et ses amis ; et quand il se vit retombé dans les douloureux liens de notre vie de préparation, il s’étoit fait de son nouvel exil l’idée d’une sainte mission, qui lui étoit imposée pour réchauffer la tiédeur des fidèles et pour prémunir les foibles contre l’invasion des fausses doctrines[1]. Tel est l’objet du livre admirable de Lazare

  1. Les migrations des vivants dans le monde des morts remontent à la plus haute antiquité. Nous ne parlons pas des descentes aux enfers, qui se trouvent dans Homère et dans Virgile, mais seulement des voyages ou des rêves dans le genre de ceux de Lazare Néobius. La plus ancienne légende de cette espèce est celle qui se trouve dans Platon et dont le héros est un soldat que le philo-