Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/272

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LE BIBLIOMANE.



Vous avez tous connu ce bon Théodore, sur la tombe duquel je viens jeter des fleurs, en priant le ciel que la terre lui soit légère.

Ces deux lambeaux de phrase, qui sont aussi de votre connoissance, vous annoncent assez que je me propose de lui consacrer quelques pages de notice nécrologique ou d’oraison funèbre.

Il y a vingt ans que Théodore s’étoit retiré du monde pour travailler ou pour ne rien faire : lequel des deux, c’étoit un grand secret. Il songeoit, et l’on ne savoit à quoi il songeoit. Il passoit sa vie au milieu des livres, et ne s’occupoit que de livres, ce qui avoit donné lieu à quelques-uns de penser qu’il composoit un livre qui rendroit tous les livres inutiles ; mais ils se trompoient évidemment. Théodore avoit tiré trop bon parti de ses études pour ignorer que ce livre est fait il y a trois cents ans. C’est le treizième chapitre du livre premier de Rabelais.

Théodore ne parloit plus, ne rioit plus, ne jouoit plus,