Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/319

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— Beaucoup plus aisément, me dit le philosophe ; et vous m’épargneriez cette explication, si vous aviez pris la peine de la chercher un instant vous-même. Heureuse, mille fois heureuse la maison aux nids d’hirondelles ! Elle est placée, entre toutes les autres, sous les auspices de cette douce sécurité dont les âmes pieuses croient avoir obligation à la Providence. Et en effet, sans chercher dans l’hirondelle un instinct merveilleux de prophétie que les poëtes lui accordent un peu trop libéralement, n’est-il pas permis de supposer du moins qu’elle n’est point privée de l’instinct commun à tant d’autres espèces, qui leur fait deviner le séjour le plus assuré d’une famille en espérance ? Ne craignez pas qu’elle se loge sous la paille inflammable d’un toit champêtre ou sous les fragiles soliveaux d’une baraque nomade ! Elle a si grand’peur des mutations qui bouleversent nos domiciles d’un jour, qu’on la voit se fixer de préférence aux édifices abandonnés dont nous sommes fatigués de remuer les ruines, et que n’inquiète plus le mouvement d’une population turbulente. Les hommes n’y sont plus, dit-elle, et elle construit paisiblement sa demeure au lieu qui a déjà vu passer plus d’une génération sans s’émouvoir de leurs ébranlements. Si elle redescend aux villes et aux campagnes, elle ne se fixe qu’à la maison paisible où nul bruit ne troublera sa petite colonie, et à l’abri de laquelle la hutte solide qu’elle s’est si soigneusement pratiquée peut subsister assez long-

    et Dupont de Nemours cite, page 188 de ses mémoires sur divers sujets, un trait assez remarquable dont il a été témoin à Paris.

    Une hirondelle de fenêtre s’étoit pris la patte dans le nœud coulant d’une ficelle dont l’autre bout tenoit à une gouttière du collège des Quatre-Nations. À ses cris, toutes les hirondelles du vaste bassin entre les Tuileries et le Pont-Neuf se réunirent, et elles parvinrent, en donnant successivement un coup de bec sur la ficelle, à la couper et à mettre la captive en liberté.

    Dictionnaire des sciences naturelles, Paris, Levrault, in-8, t. XXI, p. 206. (Note de l’Éditeur).