Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/318

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vergent tous ses rayons, ce qui lui a valu assez ridiculement, selon moi, la réputation de musicienne. Je conçois aisément que, dans la case étroite dont les parois la pressent de toutes parts, elle soit prévenue longtemps avant l’homme de l’accident qui menace sa demeure.

— Puisque vous prenez à votre compte cette superstition du peuple en la développant, reprit La Mettrie, je n’ai plus besoin de la justifier. Je me contenterai d’ajouter qu’il n’est pas bien prouvé que la prescience de l’araignée se borne à lui annoncer l’accident dont nous parlions. Nous n’avons pas compté tous les sens et tous les instincts secrets qu’elle peut avoir acquis, selon sa nature, pour la conservation de son espèce. Exposée, dans les interstices de la cloison ou sous le chaume des masures, aux dangers de toute espèce qui assiègent incessamment les habitations précaires des pauvres gens, qui nous dit qu’elle n’est pas avisée par quelque organe inconnu des lents progrès d’un incendie qui se cache encore, comme les oiseaux de marine ou comme nos amies les hirondelles, de la tempête qui dort dans une nue, à peine visible, au milieu d’un pur horizon ?

— Il faudroit ignorer les mystères les plus communs de l’organisation des animaux, répondis-je à La Mettrie, pour nier cette possibilité, qui a même à mes yeux tous les caractères de la vraisemblance ; mais puisque nous voilà aux hirondelles, dont je ne conteste pas l’infaillible prévoyance, attestée déjà par Virgile, m’expliquerez-vous aussi aisément le ridicule préjugé populaire qui leur attribue une heureuse influence sur le bonheur intérieur des maisons où elles daignent bâtir leurs nids[1] ?

  1. La vie de ces oiseaux étoit respectée par les anciens, qui, pour les protéger plus efficacement, avoient supposé que, lorsqu’on les maltraitoit, elles faisoient perdre le lait des vaches en leur piquant les mamelles. Les peuples du Nord regardent aussi comme un très-grand mal de les tuer.

    Les familles des hirondelles se prêtent mutuellement du secours entre elles,