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L’HOMME ET LA FOURMI[1].

APOLOGUE PRIMITIF.

Quand l’homme arriva sur la terre, les animaux y vivoient depuis des siècles sans nombre, chacun selon ses mœurs, et ne reconnoissoient point de maîtres.

L’année n’avoit alors qu’une saison qui surpassoit en douceur les plus beaux printemps. Toute la terre étoit chargée d’arbres qui prodiguoient quatre fois par an leurs fleurs aux papillons, leurs fruits aux oiseaux du ciel, et sous lesquels s’étendoit un ample et gras pâturage, infini par son étendue, perpétuellement vivace dans sa riche verdure, dont les quadrupèdes, grands

  1. Nous ne croyons pas nous tromper en disant que ce morceau est, dans son originalité, l’un des plus parfaits de la littérature du XIXe siècle. Nodier y parle des animaux aussi bien que La Fontaine, du néant et de l’orgueil aussi bien que Joseph de Maistre. Il est impossible de s’inspirer plus heureusement, d’une part, des poètes antiques, pour rajeunir l’âge d’or ; de l’autre, des poëmes bibliques, pour mettre en action l’inévitable châtiment qui poursuit cette race humaine, coupable, suivant la belle expression de Nodier, d’avoir inventé la mort. Comme dans La Fontaine, l’apologue est ici un poème complet.(Note de l’Éditeur.)