Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/41

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bruit qu’on ne vînt la lui reprendre pour la tuer ; cependant la sœur Françoise du Saint-Esprit continuoit à répéter, quand elle se souvenoit d’Hélène dont l’histoire confuse se représentoit par intervalles à sa pensée : — Je vous avois bien promis que cette innocente ne mourroit pas ! — Les premiers mots d’Hélène, au moment où les soins du chirurgien la ramenèrent à la vie, avoient exprimé la même confiance dans la protection divine : — Quelque chose m’annonçoit dans mon cœur, dit-elle, que le Seigneur m’assisteroit ! — Mais son âme, appauvrie par tant de douleurs, ne supportoit plus ces alternatives avec une constance toujours égale. Quelquefois elle pâlissoit soudainement ; un grand tremblement parcouroit ses membres, encore mal guéris de leurs blessures, et on l’entendoit murmurer en imprimant ses lèvres sur la croix de Jésus ou sur les reliques des saints : — Mon Dieu ! mon Dieu ! est-ce que je ne retournerai pas au Morimont, où j’ai souffert tant de mal ? Est-ce qu’on ne me fera pas mourir ? Mon Dieu ! prenez pitié de moi !…

On reçut en ce temps-là une dépêche de Paris qui n’étoit pas datée, mais qui n’arriva probablement qu’au terme préfix où la justice alloit reprendre ses droits de sang ; car la charité des rois boite d’un pied plus lent encore que celui de la prière. Cette dépêche apportoit un miracle de plus. Louis XIII avoit fait grâce.

L’entérinement de ces lettres de pardon, « qui relevoient Hélène de son infamie, et qui la restituoient en bonne renommée, » fut prononcé par le parlement de Dijon, le cinquième de juin 1625, sur le plaidoyer de maître Charles Fevret, auteur du Traité de l’Abus, si connu des avocats qui ont étudié. Charles Fevret, dont le plus grand mérite aux yeux des philologues est d’avoir été le bisaïeul du savant et ingénieux Charles-Marie Fevret de Fontette, l’éditeur, ou, pour mieux dire, l’auteur d’un des plus précieux monuments de notre his-