Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/49

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correcte, avec la troisième branche d’une m. Il suffira, pour me comprendre, de se représenter ce mot dans le griffonnage rapide et lâché d’un scribe de sacristie.

Après cette ennuyeuse excursion sur le terrain de la diplomatique (j’en demande bien pardon à messieurs de l’École des chartes), je retourne à mes fantaisies que la plupart des lecteurs m’auroient sans doute dispensé assez volontiers d’éclaircir et de justifier par la vérification ponctuelle d’un extrait mortuaire. — Qu’importe, me diront-ils, que votre histoire repose sur un fait véritable ou faux, si elle est propre à intéresser ou à plaire ? — C’est une affaire de goût. Je suis moins insouciant ou plus délicat sur le choix des plaisirs de mon imagination, et j’avoue que je n’y trouve jamais plus de saveur que lorsqu’un peu de vérité les assaisonne. L’attrait d’une anecdote si piquante et si peu connue est même, avec le besoin de redemander à ma vieille mémoire une impression puérile, pour ne pas dire ridicule, mais tendre et véhémente de mes premières années, sur laquelle je m’expliquerai tout à l’heure, la raison la plus forte qui m’ait déterminé à écrire le dernier de mes romans. Ceci n’est pas autre chose. Plus heureux que La Fontaine, je peux me promettre au moins que ce travail est la dernière peine que l’amour me causera.

Ce seroit peut-être ici l’occasion de consacrer au vénérable Cazotte[1] une notice plus développée que celle de M. Bergasse, et qui viendroit d’autant mieux à ma matière dans la circonstance présente, qu’on m’a quelquefois obligeamment reproché de circonscrire mes petites compositions dans des bornes trop étroites ; mais que pourrois-je apprendre de nouveau sur Cazotte à une génération qui l’a suivi de si près ? quel lecteur ne s’est pas amusé de ses suaves et riantes histoires ? quelle âme sensible ne s’est pas émue à l’idée de ses nobles infortunes ? Il faudrait d’ailleurs recourir, pour leur emprunter des faits déjà vulgaires, à des ouvrages qui sont dans les mains de tout le

  1. Jacques Cazotte, né à Dijon en 1720, a été guillotiné à Paris le 25 septembre 1792. (Voir la note XXVIIIe du Dernier banquet des Girondins, au tome Ier des Souvenirs de la Révolution.) On peut consulter sur Cazotte la Biographie universelle, article de M. Bergasse, et les Souvenirs sur Marie-Antoinette, par la comtesse d’Adhémar. Paris, 1836, in-8o, tome I, pages 2 et suivantes.(Note de l’Éditeur.)