Page:Nodier - Contes de la veillée, 1868.djvu/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


AVERTISSEMENT.



« Après le plaisir d’entendre des contes, a dit Nodier, il n’en est pas de plus doux que d’en raconter. » C’est qu’en effet Nodier racontoit si bien ! « Quand il parloit, dit à son tour l’un de nos maîtres dans l’art de narrer, tout le monde écoutoit, petits enfants et grandes personnes. C’étoit tout à la fois Walter Scott et Perrault, c’étoit le savant aux prises avec le poëte, c’étoit la mémoire en lutte avec l’imagination. Non-seulement alors Nodier étoit amusant à entendre, mais encore Nodier étoit charmant à voir. Son long corps efflanqué, ses longs bras maigres, ses longues mains pâles, son long visage plein d’une mélancolique bonté, tout cela s’harmonioit avec sa parole un peu traînante que moduloit, sur certains tons ramenés périodiquement, un accent franc-comtois que Nodier n’a jamais entièrement perdu. Oh ! alors le récit étoit chose inépuisable, toujours nouvelle, jamais répétée. Le temps, l’espace, l’histoire, la nature étoient pour Nodier cette bourse de Fortunatus d’où Pierre Schlemill tiroit ses mains toujours pleines[1]. »

Que de récits aimables se sont envolés ainsi des lèvres du conteur comme des oiseaux qui ne doivent plus retrouver leur nid ! Que de fantaisies charmantes qui n’ont laissé de traces que dans la mémoire des visiteurs fidèles admis à l’intimité des soirées de l’Arsenal ! que de choses gracieuses perdues sans retour, sans que la plume les ait jamais fixées, « causeries vives et piquantes, bons mots ingénieux, satires innocentes, souvenirs, histoires, inventions, tout Nodier enfin, censeur plus calme, plus simple, mais non pas moins abondant et moins écouté que Diderot[2] ! »

  1. Alexandre Dumas, La Femme au collier de velours, III, l’Arsenal.
  2. Charles Nodier, par Jules Janin, en tête de Franciscus Columna. Paris, 1844, 1 vol. gr. in-16.