Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/84

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cru devoir négliger dans sa trop courte notice, quoiqu’il ait exprimé très nettement la pensée féconde qui me fournit cette induction naturelle. L’auteur des Grandes et inestimables Chroniques prenoit une initiative d’un siècle sur Cervantes ! Que veut-on de plus ?

L’objection tirée du style subsiste encore pour tout le monde, si ce n’est pour moi. Que devoit être le style de l’auteur des Chroniques, dans l’acception de ce plan primitif, sinon le pastiche ironique, mais fidèle, de la folle exagération et de la crédulité niaise des romanciers ? Je ne sais si je me trompe, mais je crois que ces trésors de fine causerie et de gaîté malicieuse que Rabelais a depuis répandus à pleines mains dans le Pantagruel et dans la nouvelle leçon du Gargantua, auroient été déplacés dans la première. Il avoit besoin alors de se faire un auditoire, ou plutôt de se concilier l’auditoire accoutumé de ses devanciers, et il ne pouvoit y parvenir s’il ne lui parloit sa langue. Il y auroit eu plus de maladresse encore que de présomption à écrire autrement, et en vérité, Rabelais n’étoit pas un écrivain maladroit.

Mais, dira-t-on sans doute, le prosateur le plus spirituel de tous les siècles auroit inutilement essayé de dissimuler son esprit, même dans un petit nombre de feuillets. Il s’y seroit toujours trahi par quelques éclairs. Eh mon Dieu ! cela est bien possible, si possible que cela est vrai, si vrai que les exemples rempliroient deux articles de la longueur de celui-ci, pour peu qu’on prît la peine d’en chercher ! Sans parler des chapitres sur la mort de Badebec, puisque M. Brunet les regarde comme le larcin d’un plagiaire, à qui oseroit-on attribuer ce prologue