Aller au contenu

Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de déshériter d’encouragements et d’émulation, dans l’intérêt d’une économie de huit cents francs ; malheureux d’être nés dans ces jours de perfectionnement dont la menteuse outrecuidance a trompé leur naïveté ! Il falloit vivre sous François Ier ou sous Charlemagne.

Cet accessoire me mèneroit loin, bien plus loin que je n’ai l’intention de le pousser. Je serois obligé de dire que chez un peuple fiscal où l’on ne tient plus compte des droits acquis et des services généreux, où tous les privilèges appartiennent à l’or, et toutes les faveurs à l’intrigue ; où l’on contrôle les hommes au tarif des impôts ou au crédit des recommandations, sans égard au sceau que leur impriment l’estime publique et le suffrage des gens capables, il est absurde de penser à se faire un avenir honorable par le talent. Bonne et honnête jeunesse qui m’écoutez quelquefois, quoique je ne vous aie jamais flattée dans vos aberrations bizarres, apprenez des métiers méchaniques pour être libre ; soumettez-vous sans réserve aux devoirs de la morale pour être heureuse ; voyez d’un œil froid passer le reste, qui passera, et croyez-en mon expérience amère ! C’est le conseil de la raison.

Je reviens à mon sujet. Ce que j’ai dit s’adresse aux hommes. Ce que j’ai à dire s’adresse aux libraires et aux gens de lettres.

Il étoit donc fort bien de rétrograder sur ces siècles omis de notre littérature, qui seroient, si l’on en avoit cru le pédantisme classique des écoles, comme s’ils n’avoient jamais été. Ce que je déplore, c’est que notre impétuosité nationale, notre furia francese, ait sauté à pieds joints, dans un bond étourdi, sur le plus beau siècle des arts et des lettres, car nous avons nos quinquecentistes, comme l’Italie, et nous sommes revenus, pour un moment encore, de l’insolent dédain qui les repoussoit. Je voudrois que l’industrie de la publication s’en occupât quelque jour, pour prouver au moins que notre retour aux bonnes et vieilles lettres du pays, n’étoit pas le simple effet d’un caprice de la mode, ou d’une monomanie aventureuse de la spéculation.