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Après Indiana, parut Valentine. Cette fois, le style de l’auteur avait encore grandi. Ce style déjà viril avait encore plus d’éclat, plus de transparence, et en même temps plus d’abandon. Valentine, c’est encore l’histoire d’une femme que le mariage a perdue et déshonorée, comme tant d’autres femmes sont déshonorées et perdues par le célibat. Ce livre, dont le but est le même qu’Indiana, vit surtout par les détails qui sont pleins de grâce, de naïveté et de charmes. On ne saurait croire quel merveilleux parti le romancier a tiré du Berry, la plus triste et la plus ingrate de nos provinces. Il y a telle scène dans ce roman, par exemple la scène de la prairie, quand ces trois femmes, placées à distance, mais dominées toutes les trois par le même rayon de soleil et par la même passion du cœur, viennent à s’éprendre pour le même homme, qui est digne des plus grands maîtres, et qui tiendrait sa place dans les plus chaudes pages de l’Héloïse. Valentine acheva donc ce qu’avait si bien commencé Indiana, elle plaça au premier rang littéraire de ce temps-ci, avec très-peu de rivalité parmi les hommes, et à coup sûr sans rivalité possible parmi les femmes, soit dans le passé, soit dans le présent, soit dans l’avenir, le nom deux fois vainqueur de George Sand.

En général, on ne sait pas ce que c’est que la réputation littéraire à Paris : c’est quelque chose qui ressemble à ces royautés improvisées, inconnues hier, adorées à genoux le lendemain. Ainsi le gardeur de chameaux devint un dieu. Rien ne résiste à la renommée, rien ne l’arrête. Elle se fait toute seule, elle vient comme l’orage, elle éclate comme la foudre. De l’obscurité à la gloire, il n’y a qu’une feuille de papier qui les sépare. La renommée, capricieuse déesse, que tant d’hommes en ce monde appellent en vain par toutes sortes d’invocations et de lâchetés, apparaît chaque fois qu’il y a une fortune