Page:Nonnos - Les dionysiaques ou Bacchus, poème en 48 chants, trad Marcellus, 1856.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


C’était la nuit. Des sentinelles étaient placées en ligne autour des sept Zones, et leurs cris d’alarme, interrompant la veillée, retentissaient comme du haut des tours. Les bruits divers des astres s’entendaient au loin. Le disque de la lune recevait l’écho que lui renvoyaient les antiques barrières du pôle. Alors les Heures, suivantes du Soleil, et gardiennes des Airs, fortifient le ciel sous le cercle plus épais des nuées. Les étoiles ferment les verrous Atlantiques des portes inviolables, de peur qu’une embuscade ne s’empare du pôle en l’absence des Dieux. Le vieux Bouvier, compagnon céleste des Dragons de l’Ourse Arcadienne, épie d’en haut, de ses yeux vigilants, les mouvements nocturnes de Typhée ; l’étoile du matin observe le Levant, Hespéros le Couchant, et Céphée, laissant au Sagittaire la garde du Midi, s’est réservé les portes pluvieuses du Nord.

Des feux s’allument de toutes parts. Les flammes des astres et les rayons de la Lune reluisent comme des torches pendant la nuit entière ; des étoiles filantes, parties de la droite de Jupiter, et traversant l’Olympe d’un bout à l’outre, sillonnent fréquemment les airs de leur flamme ; poussé par un souffle orageux, l’éclair bondit en déchirant les nues. Enfin, la Comète, dont la lueur mobile et variable se montre et se cache alternativement, arrondit en grappes de feu ses tresses flexibles, et projette au loin la mœlleuse traînée de sa chevelure.

Des groupes d’étoiles errantes scintillent aussi et s’étendent dans les cieux comme de longues poutres resplendissantes[1], pour venir en aide à Jupiter ; tandis que, reflétant les rayons opposés du Soleil, l’arc recourbé d’Iris, compagnon de la pluie, déploie en cercle la trame de ses nombreuses couleurs, et entrelace le jaune, le brun, le blanc et le rose. Enfin, au lieu des fifres du combat et des notes accoutumées, les vents font bruire au loin leurs ailes pendant la nuit entière.

Jupiter était seul, quand la Victoire, effleurant de ses ailes les chemins des airs, vient, sous la forme de Latone, à l’aide de son père ; et, pour l’encourager, lui crie de ses bouches qui se répondent ces sages paroles :

« Roi des Dieux, soyez le premier défenseur de vos enfants. Faudra-t-il que Typhée souille la pureté de l’innocente Minerve ? et laisserez-vous devenir mère celle qui n’eut pas de mère ? Faites d’abord jouer la foudre, cette lance lumineuse de l’Olympe. Vous rassemblerez ensuite les pluvieuses nuées qui vous obéissent. Déjà les mains du géant ébranlent les fondements les plus solides de l’univers. Déjà les quatre éléments disparaissant ensemble, Cérès renonce à ses moissons, Hébé à sa coupe ; Mars jette au loin sa pique, Mercure son caducée, Apollon sa lyre ; et, sous la forme et les ailes d’un cygne, il fuit abandonnant ses flèches ailées. La Déesse de l’hymen, Vénus, s’éloigne, et frappe ainsi le monde de stérilité.

  1. Les Poutrelles.— La traduction n’a pu tenir compte de ce jeu de mots sur les poutres célestes, δοκίδες, δοκοί, que Nonnos a renforcé de l’épithète δολιχήρει. Les groupes d’étoiles sans nom que les astronomes primitifs appelaient du nom grec de Δοκίδες, Poutrelles, furent désignés ainsi par les laboureurs, premiers observateurs des astres, en raison de leur ressemblance avec les longs chevrons des cabanes. Une tradition des premiers siècles du christianisme veut que l’étoile qui apparut aux Mages pour les guider vers la crèche de Bethléem fût l’astre ou le météore nominé Δοκίτης. Cassini, Galilée, excuses vos ancêtres : Leurs yeux accoutumés à des objets champêtres Ne virent dans le ciel que chiens, béliers, taureaux ; Vous y saurez un jour porter des noms plus beaux. (Racine le fils. Relig.)