Page:Nonnos - Les dionysiaques ou Bacchus, poème en 48 chants, trad Marcellus, 1856.djvu/84

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Les lois indissolubles de l’harmonie se dissolvent. L’invincible Éros lui-même, l’universel vainqueur, l’honneur du mariage, s’en fuit effrayé malgré son audace, et abandonne ses armes fécondes. Votre brûlant Vulcain quitte sa chère Lemnos, et, chancelant sur ses genoux indociles, il s’échappe d’un pas rapide, quoique mal assuré. Enfin, ô prodige ! voilà que je m’attendris moi-même sur ma persécutrice, votre Junon ! Quoi donc ! votre père va-t-il encore envahir le Ciel ? Ah ! qu’il n’en soit jamais ainsi ! J’ai beau m’appeler Titanide, je ne veux pas voir les Titans maîtres de l’Olympe, au lieu de vos enfants et de vous. Prenez vos foudres, et combattez pour sauver la chaste Diane. Est-ce donc pour une union forcée et sans honneur, que j’ai préservé sa pureté ? La Déesse qui préside à l’enfantement va-t-elle enfanter elle-même Et si elle tend les mains vers moi, quelle llithyie appellerai-je au secours de Diane, lorsque Ilithyie partagera les mêmes souffrances ? »

Elle dit ; et tandis que le sommeil entoure de ses ailes sombres toute la nature animée, Jupiter veille seul. Typhée, étendu, pèse sur le sein de la terre, sa mère, de toute la masse de ses reins engourdis ; et les têtes de ses serpents, qui se creusent des lits souterrains, reposent enroulées dans les gouffres béants des cavernes.

Mais enfin le soleil reparaît ; le géant hurle de tous ses gosiers retentissants, et provoque le grand Jupiter au combat. Sa voix redoutable résonne jusqu’aux limites où la base enracinée de l’Océan s’unit aux quatre divisions du globe, et environne le continent tout entier de son flux et de sa ceinture comme d’une couronne. Ce n’est pas une voix isolée, mais bien les cris de Typhée, armé des diverses formes de sa nature, que l’écho répète et multiplie : c’est le hurlement des loups, le rugissement des lions, les souffles des sangliers, les mugissements des boeufs, le sifflement da serpents, les bâillements horribles des léopards, des ours furieux et la rage des chiens. Enfin, le géant lui-même, d’une voix à demi humaine, exhale sec clameurs menaçantes :

« Ô mes bras, frappez la demeure de Jupiter ; ébranlez les fondements du monde, ainsi que les Dieux. Brisez les barrières roulantes du divin Olympe. Qu’Atlas, éperdu, en voyant sa colonne tomber des airs sur la terre, rejette loin de lui l’orbe constellé, et ne s’inquiète plus de sa marche. Je ne souffrirai pas plus longtemps qu’un fils de la terre agenouillé porte forcément, dans leurs révolutions, de tels fardeaux sur ses épaules courbées et meurtries. Qu’il vienne, laissant au reste des Dieux ce poids immense, les combattre avec moi, rompre les rochers et lancer des flèches acérées contre ce même pôle qu’il a soutenu. Que les timides saisons poursuivies par l’amas des collines, s’enfuient toutes tremblantes hors du ciel ; mêlez l’air à la terre, l’eau avec le feu, l’Océan et l’Olympe.