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PSYCHOLOGIE DU MYSTICISME

très éloignés, qui restent abandonnés à eux-mêmes et ne travaillent qu’aussi longtemps, aussi vigoureusement ou faiblement, que cela répond au degré d’intensité de l’excitation qui les a frappés. Il naît dans la conscience des aperceptions claires, plus sombres et très obscures, qui disparaissent au bout de quelque temps, sans avoir été éclairées au delà de leur degré primitif de clarté. Les aperceptions nettes donnent bien une idée, mais elle ne peut être un seul instant ferme et claire, parce qu’aux aperceptions nettes dont elle est composée s’en mêlent d’autres que la conscience ne perçoit qu’indistinctement ou ne perçoit plus du tout. De telles aperceptions demi-obscures surgissent aussi chez l’homme sain au-dessus du seuil de la conscience, mais l’attention intervient aussitôt pour les éclairer complètement ou pour les supprimer. Ces harmoniques accompagnant chaque idée ne peuvent donc fausser la note fondamentale. Les spectres d’idées surgissants ne sont pas capables d’exercer de l’influence sur la pensée, parce que l’attention ou bien leur éclaire vivement le visage, ou bien les rejette dans leur souterrain de l’inconscient. Il en est autrement chez le dégénéré et l’épuisé, qui souffrent de faiblesse de volonté et de défaut d’attention. Les représentations-frontières pâles, à peine reconnaissablés, sont perçues en même temps que les aperceptions centrales bien éclairées. Le jugement devient chancelant et fuyant comme les brumes au vent du matin. La conscience qui aperçoit les représentations-frontières spectralement transparentes, informes, cherche en vain à les saisir et les interprète sans sûreté, comme on attribue aux contours des nuages des ressemblances avec les choses