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PSYCHOLOGIE DU MYSTICISME

conscience d’après les lois de l’association d’idées, et de les réunir en une idée ou jugement ; puis la rêvasserie, qui est une autre forme de la fuite d’idées, mais se distingue d’elle en ce que les représentations dont elle se compose sont faiblement élaborées, par conséquent nébuleuses et indistinctes, au point parfois qu’un imbécile auquel on demande soudainement dans sa rêverie à quoi il pense, n’est pas en état d’indiquer ce qui se trouve justement dans sa conscience. Tous les observateurs établissent que le dégénéré supérieur est fréquemment « original, brillant, spirituel », qu’il est incapable, il est vrai, d’activités qui réclament de l’attention et la discipline de soi-même, mais qu’il a de forts penchants artistiques. Toutes ces particularités sont imputables à l’action déréglée de l’association d’idées.

Que l’on se rappelle comment travaille le cerveau incapable d’attention : une perception éveille une aperception, qui appelle à la conscience mille autres représentations associées. L’esprit sain supprime les aperceptions ou représentations contradictoires ou qui ne s’accordent pas raisonnablement avec la première aperception ; l’imbécile ne le peut pas. La simple consonance détermine le décours de sa pensée. Il entend un mot et éprouve le besoin de le répéter une fois ou plusieurs fois : écholalie. Ou bien ce mot évoque dans sa conscience des mots semblables apparentés à celui-là seulement par le son, non par le sens [1],

  1. Un dégénéré imbécile, dont le Dr G. Ballet nous raconte l’histoire, dit : « Il y a mille ans que le monde est monde. Milan, la cathédrale de Milan ». La Semaine médicale, 1892, p. 133. « Mille ans » évoquent dans la mémoire de cet imbécile le mot « Milan », dont la consonance est la même, quoiqu’il n’y ait entre les deux