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LE MYSTICISME

et alors il pense et parle dans une suite de rimes absolument incohérentes ; ou bien les mots ont, outre la consonance , quelque parenté très éloignée et très faible de signification, et alors naît le jeu de mots ou calembour. Le profane incline à qualifier de spirituel l’imbécile qui rime et fait des jeux de mots, sans songer que cette façon de lier les représentations d’après le son des mots déjoue le but de la pensée, puisqu’au lieu de conduire à la connaissance du véritable rapport des phénomènes, elle en éloigne. Nulle mauvaise plaisanterie n’a jamais facilité la découverte d’une vérité, et ceux qui ont pu tenter de converser sérieusement avec un imbécile fai-


    notions aucun rapport raisonnable. Un graphomane, Jasno, cité par Lombroso, dit : « La main se mène » ; puis il vient à parler de « semaine », et continue à jouer avec les mots de même consonance « se mène », « semaine » et « main ». (Génie et Folie, édition allemande, p. 264). Dans le livre d’un graphomane allemand intitulé Rembrandt éducateur (Leipzig, 1890), livre que j’aurai à citer quelquefois encore comme type du radotage d’un imbécile, je trouve dès les premières pages les juxtapositions suivantes de mots d’après la consonance : « Ils annoncent un retour... à l’unité et à la finesse ({{lang|de|zur Einheit und Feinheit) », p. 3. « Plus quelqu’un est mal poli (ungeschliffener), et plus il y a à polir en lui (zu schleifen) », p. 4 « Toute éducation vraie est plastique (lede rechte Bildung ist bildend), formatrice, créatrice, et par conséquent artistique », p. 8. « Rembrandt n’était pas seulement un artiste protestant, mais aussi un protestant artiste », p. 14. « Sa feuille de cent florins seule (Hundertguldenblatt) pourrait déjà servir comme une grande centaurée (en allemand « herbe de mille florins » (Tausendgüldenkraut) contre tant de maux », p. 23. « Le Christ et Rembrandt ont en cela quelque chose de commun, que celui-là honore la pauvreté religieuse, celui-ci la pauvreté (Armseligkeit) artistique, — la félicité des pauvres (Seligkeit der Armen') », p. 25, etc. Un malade du Dr Ph. Charlin (La confusion mentale primitive. Annales médico-psychologiques, 4e année, no  2, p. 228), dit : « Henri quatre… Il en faut quatre, trois, deux, un, et un partout, tout cru, ha !… Je suis d’aplomb. Je suis aux poids et mesures ». (« Aplomb » appelle « plomb » qui appelle l’idée de « poids » qui appelle l’association habituelle « et mesures ».) « Mesures, trois épiciers, pourriture » (une rime). « Brillant, boyant, boyant, brillant » (Rimes dépourvues de sens) ».