Page:Nordau - Dégénérescence, tome 1.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
LES PRÉRAPHAÉLITES

des choristes de Dieu ; à ceux laissés par elle sur terre ce seul jour a réellement duré dix années. « À l’un, il a été dix ans d’années » (To one, it is ten years of years). Cette chronologie est purement mystique ; elle ne signifie rien. Peut-être Rossetti s’imagine-t-il qu’il y a une unité supérieure où l’année proprement dite se comporte comme un jour vis-à-vis un an, qu’en conséquence 365 années feraient une espèce d’année d’un ordre plus élevé . Mais de même que Rossetti ne forme cette idée qu’incomplètement et vaguement, il est loin aussi de l’exprimer d’une façon aussi compréhensible que nous l’exprimons ici.

« C’était sur le rempart de la maison de Dieu qu’elle se tenait ; bâti par Dieu sur la vide profondeur, qui n’est autre chose que le commencement de l’espace ; si haut que, en regardant au-dessous d’elle, elle pouvait à peine voir le soleil. La maison est située au ciel, par-delà le flot de l’éther, comme un pont. Au-dessous, les flux et reflux du jour et de la nuit rident le vide avec la flamme et l’obscurité jusque dans les dernières profondeurs, là où notre terre passe comme une mite fantasque. Autour d’elle parlaient des amants qui, nouvellement réunis parmi des acclamations d’amour immortel, répétaient à jamais entre eux leurs nouveaux noms qui les ravissaient. Et les âmes qui montaient à Dieu passaient près d’elle comme de minces flammes… De sa forteresse du ciel, elle voyait le temps vibrer sauvagement, comme une pulsation, à travers tous les mondes » .

J’abandonne au lecteur le soin de se représenter tous les détails de cette description et de les réunir en un