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LE MYSTICISME

et la triste destinée des dédaignées. « Un petit vent dans l’eau du moulin, — Une couronne de pourpre pour la fille du roi. Une petite pluie dans Teau du moulin, — Un lit de paille jaune pour les autres. Un lit d’or pour la fille du roi. La pluie tombe dans l’eau du moulin, — Un peigne de coquilles jaunes pour les autres. Un peigne d’or pour la fille du roi… Vent et grêle dans l’eau du moulin, — Une ceinture d’herbe pour toutes les autres. Une riche ceinture pour la fille du roi. La neige tombe dans l’eau du moulin, — Neuf petits baisers pour toutes les autres. Cent fois autant pour la fille du roi ». La fille du roi semble donc très heureuse et enviable par rapport à ses neuf sœurs. Mais seulement en apparence, car le poème change soudainement de ton : « Barques brisées dans l’eau du moulin, — Présents dorés pour toutes les autres. Douleur de cœur pour la fille du roi. Creusez une fosse pour mon beau corps. Pluie qui dégoutte dans l’eau du moulin, — Et couchez mon frère à côté de moi. Peine d’enfer pour la fille du roi ». La cause de ce changement de destinée, le poète la laisse à dessein dans l’obscurité. Peut-être veut-il nous donner à entendre que le fils du roi n’est pas un prétendant légitime, mais le frère de la fille du roi, et que la princesse choisie meurt de la honte de cette liaison incestueuse. Cela répondrait à l’enfantillage diabolique de Swinburne. Je ne veux pas m’arrêter toutefois à ce côté du poème, mais à son symbolisme.

C’est une chose parfaitement fondée au point de vue psychologique, d’établir un rapport subjectif entre nos divers états d’âme et les phénomènes, de voir dans le monde extérieur un reflet de nos dispositions d’esprit. Si