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LES SYMBOLISTES

Oui, c’est vrai : la science ne raconte rien d’une vie après la mort, de concerts de harpes dans le paradis, et de la transformation de cancres et de bécasses hystériques en anges vêtus de blanc, aux ailes irisées. Elle se contente, infiniment plus plate et prosaïque, d’adoucir l’existence terrestre de l’homme. Elle diminue la mortalité moyenne et prolonge la vie de l’individu qui ne la contrecarre pas par ses propres folies anti-hygiéniques, en supprimant les causes de maladies reconnues ; elle crée de nouvelles commodités, et facilite la lutte contre les forces destructives de la nature. Le symboliste qui, après une intervention chirurgicale, est préservé par l’asepsie de la suppuration, de la gangrène et de la mort ; qui se protège contre la fièvre typhoïde à l’aide d’un filtre Chamberland ; qui, en tournant négligemment un bouton, emplit sa chambre de lumière électrique ; qui, par le moyen du téléphone, converse par-delà les pays avec un être aimé, — le symboliste doit tout cela à cette science qui, à l’en croire, a fait banqueroute, et non à la théologie à laquelle il affirme vouloir retourner.

Exiger de la science qu’elle ne donne pas seulement des éclaircissements réels, quoique limités, et n’offre pas seulement des bienfaits palpables, mais qu’elle résolve aujourd’hui, à l’instant même, toutes les énigmes, qu’elle fasse l’homme omniscient, heureux, bon, — cela est absurde. Cette exigence, la théologie et la métaphysique ne l’ont jamais remplie. Elle est simplement la forme intellectuelle de cette folle présomption qui, sur le terrain matériel, se manifeste par la soif de jouissance et la haine du travail. Le déclassé qui aspire au vin de Champagne et aux