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FIN DE SIÈCLE

de la banlieue parisienne de M. Raffaelli, au dessin intense, mais peints avec de l'eau de bourbier et de l’argile délayée. Quand on navigue à travers une exposition de peinture dans le sillage de la bonne compagnie, on constate invariablement que celle-ci montre le blanc des yeux et joint les mains en face de tableaux qui font éclater de rire les gens ordinaires ou amènent sur leurs visages cette expression de courroux propre à l’homme qui se croit mystifié, et qu’elle se hâte de passer, en haussant les épaules ou en échangeant des regards railleurs, devant les œuvres où les autres stationnent avec un plaisir reconnaissant.

A l’Opéra et dans les salles de concerts, les formes arrêtées de l’ancienne mélodie laissent froid. La transparence du travail thématique des maîtres classiques, leur observation consciencieuse des lois du contre-point, passent pour plates et ennuyeuses. A une « coda » qui tombe gracieusement, finit d’une façon claire, à un point d’orgue juste et harmonique, on bâille. Les applaudissements et les couronnes vont au Tristan et Iseult de Wagner et particulièrement à son mystique Parsifal, à la musique d’église du Rêve de M. Bruneau, aux symphonies de César Franck. La musique destinée à plaire doit ou feindre le recueillement religieux, ou décontenancer par sa forme. L’auditeur musical a l’habitude de développer involontairement un peu en pensée chaque motif surgissant dans un morceau de musique. Or, la façon dont le compositeur conduit son motif doit différer absolument de ce développement anticipé. Il ne faut pas qu’on puisse la deviner. Là où l’on attend un intervalle consonant,