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Page:Nordau - Dégénérescence, tome 1.djvu/59

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DIAGNOSTIC

cause que pour satisfaire les penchants les plus vicieux [1] » . Lombroso a cité toute une quantité de génies incontestables qui non moins incontestablement étaient des mattoïdes, des graphomanes ou des fous déclarés [2] et un savant français, Lasègue, a pu émettre cette idée devenue courante : « Le génie est une névrose ». Cette assertion était imprudente, car elle permettait aux bavards ignorants de parler, avec un semblant de raison, d’exagération, et de railler les neuro-pathologistes et aliénistes qui voient un fou dans tout individu qui se permet d’être autre chose, d’être quelque chose de plus que le contribuable normal le plus ordinaire, le plus impersonnel. La science n’affirme pas que chaque génie est un fou. Il y a des génies sains, débordants de force, dont l’altier privilège consiste précisément en ce qu’une de leurs facultés intellectuelles est extraordinairement développée, sans que les autres demeurent en deçà de la mesure moyenne ; de même, naturellement, chaque fou n’est pas un génie, et la plupart des fous sont plutôt, même si l’on fait abstraction des imbéciles de différents degrés, pitoyablement stupides et incapables. Mais, dans de nombreux cas, le « dégénéré supérieur » de Magnan, de même qu’il présente çà et là une taille gigantesque ou un développement excessif de certaines parties, possède un talent particulièrement développé, aux dépens, il est vrai, des autres facultés, qui sont complètement ou partiellement étiolées [3] C’est ce qui

  1. Roubinovitch, op. cit., p. 33.
  2. Lombroso , L’Homme de génie , traduction française par Fr. Colonna d’Istria. Paris, 1889. Voir aussi en particulier J. P. Nisbet, The insanity of genius. Londres, 1891.
  3. Falret, Annales médico-psychologiques, 1867, p. 76. « Dès leur