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ÉTIOLOGIE

qu’à quatorze ou quinze ans, sont jusque-là éveillés, parfois même brillamment doués et promettent merveille ; puis soudainement se produit un arrêt, l’esprit s’éteint, la facilité de compréhension se perd, et le garçon qui, hier encore, était un écolier modèle, devient un cancre obtus qu’on ne peut piloter qu’avec la plus grande difficulté à travers les examens. A ces modifications intellectuelles répondent des modifications physiques. La croissance des os longs est excessivement lente ou cesse complètement, les jambes demeurent courtes, le bassin conserve une forme féminine, certains autres organes ne se développent pas davantage, et l’être entier offre un étrange et repoussant mélange d’inachèvement et de flétrissure [1].

Or, on sait combien, dans la dernière génération, le nombre des habitants des grandes villes s’est accru [2]. Aujourd’hui, une partie incomparablement plus grande du peuple qu’il y a cinquante ans est soumise aux influences destructives de la grande ville ; le nombre des victimes de

  1. Brouardel, La Semaine médicale. Paris, 1887, p. 254. Dans cette élude des plus remarquables, le professeur parisien dit entre autres : « Que deviennent plus tard ces jeunes Parisiens ? Incapables d’accomplir un long et consciencieux travail, ils excellent d’ordinaire aux choses artistiques. S’ils sont peintres, ils ont plus de couleur que de dessin ; s’ils sont poètes, la ciselure du vers assure leur succès, plus que la vigueur de la pensée ». — A rapprocher de la remarque de Lombroso citée plus haut.
  2. Les 26 villes allemandes qui, aujourd’hui, ont plus de 100 000 habitants, en comptaient ensemble, en 1891, 6 millions, et en 1835 1 400 000. Les 31 villes anglaises de cette catégorie, 10 870 000 en 1891, 4 590 000 en 1835. Les 11 villes françaises dans le même cas, 4 180 000 en 1891, 1710 000 en 1836. 11 faut remarquer qu’environ un tiers de ces 68 villes n’avait pas encore, en 1840, 100 000 habitants. Aujourd’hui habitent dans les grandes villes, en Allemagne, en France et en Angleterre, 21 050 000 individus, tandis qu’en 1840, 4 800 000 seulement se trouvaient dans ces conditions d’existence. (Communication de M. Joseph Körösi).