société. Bain cultive la théorie de l’éducation, c’est-à-dire qu’il s’occupe des applications de la psychologie et de la philosophie morale. L’Allemagne seule a encore une métaphysique vivante, et cette métaphysique est sombre et désespérée. Le bon docteur Pangloss est mort et n’a pas laissé d’héritiers. L’hégélianisme trouvait une raison suffisante pour tout ce qui existe et puisait encore une sorte de tranquillité et de satisfaction chétives dans sa conviction que tout ce qui est a nécessairement sa raison d’être ; aujourd’hui il est mis au rebut comme tout système usé, et la philosophie qui conquiert le monde est celle qui aboutit à ce résultat tragique de ramener au néant l’intolérable cosmos, vu l’aspiration de tous les êtres à la non-existence.
Dans l’économie sociale, cette même maladie se montre sous une forme différente, mais non moins caractéristique. Chez le riche, nous cherchons en vain le sentiment paisible et la joie de la possession ; nous ne voyons pas davantage chez le pauvre la résignation patiente à la misère, car, selon toute prévision humaine, la misère existera toujours. Le riche est hanté par la crainte d’un danger prochain ; il voit dans les hommes et dans les événements une menace vague, mais très réelle, et sa fortune lui apparaît comme un simple prêt qui d’un moment à l’autre peut lui être brutalement réclamé. Le pauvre est en proie à l’envie, il convoite les biens d’autrui ; il ne trouve ni en lui-même ni dans la constitution du monde, telle qu’il a appris à l’envisager, des raisons suffisantes pour qu’il doive rester pauvre et banni du banquet de la vie ; plein d’une impatience rageuse, il écoute les voix intérieures qui lui persuadent qu’il n’a pas moins de droits que le riche à tous les biens. Le riche craint, le pauvre espère et cherche un changement dans les conditions économiques ; personne ne croit à la durée de ces
