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EINSTEIN ET L’UNIVERS.

exprimé en secondes que met un train à passer d’une station à une autre est plus court pour les voyageurs du train que pour nous qui les regardons passer, et qui sommes munis d’ailleurs de chronomètres identiques aux leurs[1]. Pareillement tous les gestes faits par des hommes, sur un véhicule en mouvement, apparaîtront ralentis et par conséquent prolongés à un observateur immobile, et réciproquement. Pour que ces variations des durées fussent sensibles, il faudrait, comme pour les variations concomitantes des longueurs, que les vitesses fussent fantastiques.

Il n’en est pas moins vrai que la durée qui sépare la naissance et la mort d’une créature quelconque, c’est-à-dire sa vie, paraîtra prolongée si cette créature se déplace très vite et frénétiquement par rapport au regardant. Dans ce monde où paraître est presque tout, cela a bien son importance, et il reste de tout cela que, philosophiquement parlant, se mouvoir c’est durer davantage… pour les autres, non pour soi ; c’est aussi voir durer davantage les autres.

Admirable justification, et combien profonde et imprévue, de ce que le sage avait entrevu : l’immobilité, c’est la mort.

  1. La meilleure définition qu’on puisse donner de la seconde est la suivante : c’est le temps qu’il faut à la lumière pour parcourir 300 000 kilomètres dans le vide et loin de tout champ intense de gravitation. Cette définition, la seule rigoureuse, est d’ailleurs justifiée par le fait qu’on n’a pas de meilleur moyen que les signaux lumineux ou hertziens (qui ont même vitesse) pour régler les horloges.