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sent, quant il voient quelque personnage de povre et de mechante et petite venue, ainsi comme par mocquerie : Vela un bel Aioucquet ! » Ce passage de Baudouin d’Avesnes, qui confond dans un même siècle Hélie, comte du Maine, mort en 1110, et Charles le Chauve, et qui semble avoir surtout été inspiré par la chanson, ne paraît pas tout d’abord mériter grande confiance ; mais si nous remarquons qu’Hélie, dit de la Flèche, comte du Maine en 1090, porte le même nom qu’Élie père d’Aiol ; que le Maine, sa patrie, est précisément un des pays du centre où nous avons cherché à retrouver le berceau du poëme ; que, comme Élie père d’Aiol, Hélie a été dépouillé de ses biens (par Robert duc de Normandie, 1090-6), et a passé tout le reste de sa vie jusqu’en 1110 à se défendre contre Guillaume d’Angleterre et Robert de Bellême[1] ; que les hautes qualités qu’Orderic Vital lui prête sont aussi attribuées à Élie père d’Aiol ; nous serons en droit de conclure que les deux Hélie n’en font qu’un, et de supposer la formation d’une légende qui aurait eu pour héros le comte du Maine ; ses malheurs, sa captivité en Angleterre, sa bonté, sa bravoure, les nombreux combats qu’il soutint toujours dans le même pays, suffisaient à le rendre populaire et expliquent qu’il ait pu se créer sous son nom, ou plutôt sous le nom d’un fils que le poëte lui suppose, un poëme où, vus à distance, les événements perdent de leur précision historique, où Louis le Gros se transforme, suivant les lois ordinaires de l’épopée carolingienne, en Louis le Pieux, fils de Charles le Grand, et où enfin le personnage historique principal, Hélie, fait place à un héros légendaire, Aiol, autour duquel gravite l’action.

  1. Voy. l’Art de vérifier les dates, in-8o, XIII, 97-101.