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Page:Normand - Le Laurier sanglant, 1916.djvu/50

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Me cloue au sol. Pourtant on peut me secourir…
Ils sont là, près de moi : je ne veux pas mourir !
Jusqu’au dernier moment, avec quelle énergie
L’homme, presque perdu, se raccroche à la vie !
Je les voyais marcher, s’arrêter, se baisser…
Viendront-ils ?… Tout à coup, — je ne puis y penser
Sans en frémir encore, — aux rayons de la lune,
J’aperçois, l’œil hagard, à travers la nuit brune,
Mes sauveurs attendus qui s’éloignent de moi
Emportant avec eux ma vie… Oh ! quel effroi !
Je deviens fou : ma main fiévreuse, inconsciente,
Serre le pistolet ; mon doigt sur la détente
Appuie, et le coup part. En entendant ce bruit
Qui vibre, brusquement au milieu de la nuit,
Ils hésitent : l’un d’eux se détache, s’avance ;
Je reconnais la croix rouge de l’ambulance…
Il marche, regardant chaque corps étendu…
Il vient, il vient encore, il approche… Il m’a vu !
Une immense fatigue envahit tout mon être,
Et je m’évanouis entre les bras d’un prêtre.