Page:Normand - Le Laurier sanglant, 1916.djvu/80

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Le laboureur pensif vers son champ solitaire
S’achemine, et, voyant le terrain dévasté,
Les beaux épis, tordus, inclinés vers la terre,
Tout l’effort d’une année en un jour emporté,

Tenant sur ses genoux ses deux mains attachées,
Le désespoir au cœur et les larmes aux yeux,
Il s’assoit au milieu de ses herbes fauchées
Et rêve tristement en regardant les cieux.

Mais bientôt, secouant la torpeur qui l’oppresse,
Mâle, essuyant son front d’un revers de son bras,
Il retourne chez lui, sourit avec tendresse
À sa femme, aux enfants qui lui parlent tout bas ;

Puis, sortant du hangar son bœuf et sa charrue,
Il regagne le champ… Le ciel est clair et bleu ;
Les vents sont apaisés, et, dans la plaine nue,
Il travaille en chantant sous le regard de Dieu.