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plans, de façades et de galeries ; des effets de lumière et d’ombre ; un choix d’accessoires, un art de les placer pour émouvoir l’ame et faire naître de grandes idées, qui ne peuvent être appréciés d’après des gravures, si l’on n’en a vu l’application sur la nature même.

Obligé de s’écarter des programmes suivis dans les siècles passés pour se conformer aux exigences du nôtre, et rappeler, avant tout, la circonstance particulière qui a fait ériger le monument, M. Fontaine a dû chercher de nouveaux motifs, les coordonner avec des localités qu’il fallait respecter, et qui, plus d’une fois sans doute, ont dû contrarier ses plans et nécessiter leur modification. Honneur lui soit rendu ! Le résultat de ses méditations est une création, une œuvre de génie. La nouveauté du plan, le caractère sévère, majestueux, éminemment original des élévations, leur belle proportion : le choix heureux, l’accord parfait des détails avec l’ensemble ; le goût qui a présidé à la composition et à la distribution des ornemens, tous emblématiques et aussi ingénieux que significatifs, ont placé la chapelle expiatoire au nombre des chefs-d’œuvre de l’architecture française. Dans tous les siècles on la considérera comme un modèle de convenance et de haut savoir ; elle fera déplorer que son auteur, au lieu de dépenses son talent à terminer plusieurs monumens des siècles passés et notamment le Louvre, avec une abnégation de lui-même et un respect pour la pensée des premiers architectes qui rehaussent son propre mérite, n’ait eu que cette seule occasion de léguer à la France un monument digne de lui et d’elle.

La première pierre de ce monument a été posée le 21 janvier 1815, jour de la translation à Saint-Denis des dépouilles mortelles de Louis XVI et de Marie-Antoinette. La construction a duré cinq ans ; elle a coûté deux millions qui ont été tirés de la cassette particulière de Louis XVIII. M. Lebas, architecte, comme inspecteur des travaux, mérite de voir son nom consigné parmi les artistes qui ont eu part à ce bel ouvrage.


Planche 67


Plan général.


Au milieu d’un terrain planté de cyprès, qui fut autrefois le Cimetière de la Madeleine, s’élève le monument. Il est isolé sur les côtés par des allées, en arrière, par la rue d’Anjou, en avant, par une place et une avenue qui débouche sur la rue de l’Arcade. Une façade lisse, ornée de trois avant-corps, dont dont celui du milieu donne entrée au monument, et ceux des extrémités le caractérisent, précède l’enceinte sacrée dans laquelle s’élève la chapelle royale. Après avoir monté quelques degrés, on pénètre dans un vestibule carré, auquel aboutissent à droite et à gauche, en retour d’équerre, deux galeries de tombeaux élevés à la mémoire des victimes de la révolution. Ces galeries prolongent, l’une, jusqu’à la sacristie, l’autre, jusqu’au vestiaire, placés aux deux côtés de la chapelle haute et basse décrites plus loin. Revenant au vestibule d’entrée, en montant de nouveaux plusieurs marches, on arrive au sol formé par les terres amoncelées au moment de la fouille de l’ancien Cimetière, pour trouver les restes des deux augustes victimes ; sol religieusement respecté, et que deux carrés de gazon toujours vert indiquent à la vénération publique. A l’extrémité de ces deux tombes naturelles, séparées l’une de l’autre par un chemin ferré, est la chapelle expiatoire. On y monte par une dizaine de marches. Son entrée est par un péristyle de quatre colonnes d’ordre Dorique. Le plan a la forme d’une croix grecque, dont trois des croisillons se terminent en cul-de-four. Dans celui qui fait face à la porte est placé l’autel, et dans ceux de gauche et de droite les statues de Louis XVI et de Marie-Antoinette : le quatrième sert de porche ; ce dernier est de la forme quadrangulaire. Sur la face des piédestaux qui portent les groupes du Roi et de la Reine, sont des tables en marbre noir qui offrent, tracés en lettres d’or, ces deux testamens si dignes par leur sublimité de passer à la postérité la plus reculée. Derrière ces piédestaux sont des escaliers qui conduisent à la crypte souterraine, et desservent, à mi-chemin, le vestiaire et la sacristie, dont nous avons parlé.

La crypte souterraine est de petite dimension ; sa disposition est analogue à celle de la chapelle supérieure. Dans les quatre piliers sont déposés les ossemens retirés du Cimetière pendant les fouilles. L’autel, dont la forme est celle d’un tombeau antique occupe précisément le lieu où furent trouvés les corps des illustres martyrs à qui l’édifice est consacré.


Planche 68


Élévation sur la rue de l’Arcade.


La façade sur la petite place est d’une simplicité aussi grave que noble. Les deux pierres tumulaires qui la décorent aux deux extrémités, où elles forment des espèces d’avant-corps reliés à celui du milieu par deux murs lisses en retraite, lui donnent un aspect original et tellement caractéristique, qu’au premier aspect on comprend que l’édifice doit être une sépulture royale. Cette façade est peu élevée, afin de laisser briller au dessus la chapelle expiatoire, qui est l’objet principal, de tout l’éclat que peut procurer l’art allié à la richesse et à la magnificence. Au dessus de la porte on lit cette inscription : Le roi Louis XVIII a élevé ce monument pour consacrer le lieu où les dépouilles mortelles du roi Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette, transférées le 21 janvier M.D.CCC.XV dans la chapelle royale de Saint-Denis, ont reposé XXI ans : il a été achevé la deuxième année du règne de Charles X ; l’an de grâce M.D.CCC.XXVI.


Élévation de la chapelle expiatoire.


Un péristyle de quatre colonnes d’ordre Dorique dont le fronton est surmonté d’une croix en pierre, et les extrémités terminées par des oreillons, précède l’entrée du temple. Au milieu du tympan sont représentés deux anges à genoux, dans l’action d’adorer le monogramme du Christ qui est entouré par une couronne de fleurs ; au dessous sont sculptés les insignes de la royauté. Ce péristyle, remarquable par la pureté et la sévérité de ses formes, acquiert d’autant plus de valeur que les deux rotondes sur lesquelles il saille sont entièrement lisses.