Page:Normand - Monuments funéraires choisis dans les cimetières de Paris.djvu/4

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui devastèrent la France à plusieurs reprises, nous n’en aurons que peu à citer pour les premiers siècles qui suivirent de Clovis. Les plus célèbres sont : au VIIe siècle, la tombe de Dagobert, qu’on voyait à Saint-Denis, sur laquelle était placé un buste en argent doré au IXe siècle dans l’église de l’abbaye de Saint-Faron, le tombeau du duc d’Oiger, qui était orné de sept statues en ronde-bosse et de neuf figures en bas-relief ; au XIe siècle, qui forme une des principales époques de l’histoire de l’art moderne, ceux de Honfroy de Vétulis et de sa famille, au monastère de Preaux, sur chacun desquels était couchée aussi en ronde-bosse la statue du défunt ; au XIIe siècle, dans le chœur de l’église Notre-Dame de Paris, celui de Philippe de France, fils de Louis-le-Gros, dont le sarcophage était en marbre noir, et la statue du prince en marbre blanc ; enfin celui d’Etienne Obazine, érigé dans l’église du monastère de ce nom, près de Cahors, au pourtour duquel étaient sculptés de petites figures représentant des religieux de l’ordre de Citeaux.

Dans les siècles précédens, et dès la plus haute antiquité, les richesses du défunt s'enterraient avec lui ; c'est un fait constaté par la fouille de tombes gauloises, et l'exhumation, en 1793, des sépultures de nos églises et de nos abbayes. Au XIIIe siècle, cet usage bizarre, mais noble dans son principe, puisqu'il était un témoignage de mépris pour les superfluités de ce monde, dégénéra en une orgueilleuse démonstration de richesse. Dès ce moment les tombes, jusque-là en pierre, furent faites en métaux précieux, et les sculptures, les ciselures, les filigranes, les mosaïques, les émaux ornèrent de figures, d'emblêmes, d'enroulement variés, le cuivre, le bronze, l'argent, le vermeil. Les tombes de Louis VIII et de saint Louis, qui étaient en vermeil orné de figures ciselées ; celle en cuivre doré, enrichie d'émaux, d'Alphonse de Brienne, comte d'Eu, sont des exemples célèbres auxquels il faut ajouter, comme dernier terme de magnificence et de luxe, le tombeau en argent et en bronze doré élevé, en 1189, à Henri Ier, comte de Champagne, dans le choeur de l'église Saint-Etienne de Troyes. On rapporte que la tombe de ce monument, haute d'environ trois pieds, était entouré de quarante-quatre colonnes en bronze doré. Au dessus était une table d'argent sur laquelle se trouvaient couchées la statue du prince, et celle d'un de ses fils, grande comme nature, également en bronze doré. Entre les arcades que soutenaient les colonnes, étaient des bas-reliefs aussi en argent et en bronze doré, représentant Jésus-Christ, des anges, des prophètes, des saints, etc., etc. Cette mode d'offrir de telles richesses aux regards du public ne dura pas, sans doute par la difficulté de soustraire à la cupidité des monumens d'une si grande valeur. A la fin du XIIIe siècle on n'en éleva plus ; la pierre reprit faveur : on n'employa même le marbre que très-rarement. Quant aux figures en ronde bosse que l'on plaçait dessus les tombeaux depuis nombre de siècles, elles paraissaient toutes avoir été faites d'après un modèle consacré ; c'était toujours une statue couchée sur le dos, les pieds collés, les mains jointes sur la poitrine, la tête placée sur un coussin. Elles ne différaient entre elle que par le costume, qui fut presque toujours celui propre à condition du défunt. Ce costume lui-même ayant peu varié, on comprend combien doit être grande la monotonie de ces monumens, où l'art avait si peu de moyens de se distinguer.

Au XIVe siècle, lorsque la mode des mausolées à figures accessoires dut devenue plus générale, quand, à l’exemple des rois et des princes, les nobles, les abbés voulurent avoir leur monument funéraire, les artistes commencèrent à sortir de la route où ils s’étaient tenus jusqu’alors, et le mausolée élevé, au XIIe siècle, à Henri Ier; comte de Champagne, cesse d’être un exemple unique de tombeaux à colonnes et à bas-reliefs. Ceux de Philippe-le-Hardi et de Jean-sans-Peur, à Dijon, où l’effigie des princes était en albâtre, couchée sur une table de marbre noir de Dinan, de huit pieds sur douze, exécutée par Claux-Sluter, Jean de la Versa, Jacques de la Barce et Antoine le Mouturier ; celui de Philippe de Marie, conservé à Lille, autour duquel sont sculptés les princes et princesses de la seconde maison de Bourgogne, sont de magnifiques exemples, qui témoignent du progrès des arts en France, et de la tendance des artistes à s’affranchir des entraves qui avaient jusqu’alors paralysé leur génie...

Une innovation remarquable de l’époque est cette espèce de décoration architecturale, à jour, assez semblable à un dais, que les sculpteurs ajustèrent au dessus de la tête de l’effigie du défunt ; si ces anges qui, les ailes déployées, enlevaient sur un voile étendu une petite figurine nue qui simulait son ame. Quelquefois, à ces anges, on a mis en main le casque, l’écusson du mort, d’autres fois on les a représentés dans l’action de l’encenser, on a même poussé l’inconvenance jusqu’à leur faire porter la queue de son manteau.

Au XVe siècle, le luxe toujours croissant, le besoin de la nouveauté, substituèrent l’albâtre au marbre pour les statues : les figures des tombeaux de Charles VII et de sa femme sont de cette matière. À cette époque on vit aussi pour la première fois des statues dont les mains et le masque étaient en albâtre, lorsque le reste était en marbre ou seulement en pierre. Il est à remarquer toutefois, que ces changemens, ces progrès, si l’on veut, dans la disposition successive de nos monuments funéraires, n’altérèrent en rien le type de figures principales. On les vit toujours couchées sur des espèces de lits, et vêtus du costume de leur rang ou de leur profession. Ce n’est que sur les vitraux des chapelles sépulcrales qu’on se permit de représenter les morts en état de vie, à genoux, les mains jointes, et dans la posture de quelqu’un qui prie. Si l’on peut citer dans cette attitude les statues de J. Juvénal des Ursins et de sa femme, et celle de Charles VIII, morts au XVe siècle, ce sont des exceptions presque uniques, les monumens de cette espèce appartiennent au siècle suivant, à ce siècle appelé de la renaissance des arts.

Le but que nous nous sommes proposés n’étant pas une histoire de l’art, nous ne nous arrêterons pas à faire ressortir le mérite particulier des productions du XVIe siècle, nous dirons seulement que, sous François Ier et ses successeurs immédiats, les monuments funéraires, jusqu’alors improprement décorés du titre pompeux de mauso-