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Page:Normand - Soleils d’Hiver, 1897.djvu/102

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Oh ! ne point voir, jamais ! — Sentir autour de soi
Comme un vague remous de choses qu’on ignore ;
Vivre, le front courbé sous cette triste loi,
Dans la nuit, dans la nuit, et dans la nuit encore !

Sans en pouvoir jouir, soupçonner seulement
L’ineffable beauté de la nature immense,
Panorama divin, suave enchantement,
Qui chaque jour finit, chaque jour recommence !

Au milieu des voyants marcher les yeux fermés,
Craindre un danger en tout, trouver tout redoutable,
Et ne connaître, hélas ! dans les êtres aimés
Que la voix fugitive et non la forme stable !

Quel supplice cruel, en tout temps, en tous lieux,
Mais plus cruel peut-être et plus digne de plainte
En ces pays bénis où le soleil joyeux,
Loin des brumes du nord, s’étale sans contrainte ;

Où les regards charmés trouvent, pour s’y poser,
De plus riants contours, des formes plus câlines ;
Où la lumière d’or caresse d’un baiser
Le velours gris et vert tapissant les collines ;