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CARNAVAL



Toute une ville en fête et tout un peuple en joie.
On marche, on court, on danse, on s’agite, on s’envoie
Droit aux trous noirs que font les masques grillagés
Avec des rires secs, des gestes enragés,
Les confetti cinglants, par tas, par avalanches ;
Les dominos pressés mêlent leurs taches blanches,
Mauves, vertes, lilas, violettes… Cela
Grouille sous un soleil qui s’est mis du gala,
Un soleil printanier qui, dans l’air diaphane,
Rit paternellement à la gaîté profane
Et sur les oripeaux mobiles, les paillons,
Accroche la douceur fixe de ses rayons.

Oui, liesse complète, heures brèves et vaines ;
Oubli court, mais complet, des misères humaines ;
Illusion nouvelle et charmeuse à la fois
De vivre en un pays qui n’aurait d’autres lois
Que le plaisir constant, le plaisir sans contrôle ;
Où tout serait brillant, étourdissant et drôle ;