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EN SORTANT DES SALLES DE JEU



Oui, le spectacle est bas et vil de cette foule,
De ce piétinement silencieux, qui coule
Autour des tapis verts où, légers et brutaux,
Dans un cliquetis d’or circulent les râteaux ;
Ignoble, cet amas de têtes sans pensée,
L’œil ardemment fixé sur la bille lancée,
Et, selon que le sort amène rouge ou noir,
Se crispant de dépit ou s’éclairant d’espoir ;
Horrible, à soulever le cœur le moins farouche,
Ce monde inquiétant et douteux qui vous touche :
Jeunes hommes trop bien vêtus, trop élégants,
Un diamant à la cravate et point de gants ;
Vieux messieurs décavés dont le doigt de squelette
Allonge une timide mise à la roulette ;
Inventeurs incompris de systèmes garants
D’un gain toujours certain, et qui n’ont pas vingt francs ;
Maniaques pointant chaque coup sur des fiches ;
Gens superstitieux s’entourant de fétiches ;
Parisiens tarés, étrangers de tous lieux,
Bruns, blonds, roux, arborant sur des revers soyeux