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LES PORTEFAIX



Sur le quai du Vieux Port, où le soleil en joie
Verse ses chauds rayons que le pavé renvoie,
Parmi le grouillement vague et bariolé
De la foule, on décharge un grand brick plein de blé
Arrivé d’Odessa la dernière semaine.
Ruisselants de sueur sous leur bonnet de laine,
Le cou gonflé, les pieds suivant adroitement
La planche mince, au mol et lent balancement,
Les portefaix hâlés vont, viennent, et sans trêve
La pile des gros sacs s’élargit et s’élève.

Un moment de repos. Le travail s’interrompt.
Les robustes gaillards se sont assis en rond
Pour boire un coup de vin et mordre à la pastèque.
Une fille du peuple, au droit profil de Grecque,
Les cheveux pommadés, la jupe en retroussis,
Passe : et sur son passage un concert de lazzis
Éclate et la poursuit dans sa marche traînante.
Elle s’est retournée, et brave, impertinente,