Page:Normand - Soleils d’Hiver, 1897.djvu/27

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Droite, ses deux poings bruns sur les hanches posés,
Elle répond de haut aux hommes amusés.
Le parler marseillais, nasillard et sonore,
Vibre dans l’air : on crie, et puis l’on crie encore,
Et la lutte finit en rires débordants,
Montrant la lèvre rouge et l’émail pur des dents.

Devant ce fin tableau de couleur provençale,
Je songeais à l’aspect triste, boueux et sale
Des cités de mineurs du Nord, où le travail
Est rude, où tout est noir, où l’homme est un bétail
Silencieux, courbé sous sa besogne austère,
Amphibie éternel de l’air et de la terre,
N’ayant, l’hiver venu, pas même un court moment
De repos au dehors, ni de délassement ;
La révolte dans l’âme et l’insulte à la lèvre,
Chaque dimanche, allant se soûler de genièvre
En quelque cabaret au grinçant écriteau,
Puant d’une fumée à couper au couteau…

Et je comprenais bien pourquoi si fort l’on t’aime,
Et je te bénissais, et je t’aimais moi-même,
Bon soleil de Provence, aux rayons indulgents,
Ami des gens heureux, père des pauvres gens !