Page:Notice historique sur les ouvrages et la vie de Cuvier.djvu/61

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impossible que le même homme les réunit, et dont l’ensemble était cependant nécessaire pour donner à l’étude de la nature une impulsion aussi rapide.

« Tous deux passionnés pour leur science et pour la gloire, tous deux infatigables dans le travail, tous deux d’une sensibilité vive, d’une imagination forte, d’un esprit transcendant, ils arrivèrent tous deux dans la carrière, armés des ressources d’une érudition profonde ; mais chacun s’y traça une route diffférente, suivant la direction particulière de son génie, Linnæus saisissait avec finesse les traits distinctifs des êtres ; Buffon en embrassait d’un coup d’œil les rapports les plus éloignés. Linnæus, exact et précis, se créait une langue à part pour rendre ses idées dans toute leur rigueur ; Buffon, abondant et fécond, usait de toutes les ressources de la sienne pour développer l’étendue de ses conceptions. Personne mieux que Linnæus ne fit jamais sentir les beautés de détail dont le créateur enrichit avec profusion tout ce qu’il a fait naître : personne mieux que Buffon ne peignit jamais la majesté de la création et la grandeur imposante des lois auxquelles elle est assujettie. Le premier, effrayé du chaos où l’incurie de ses prédécesseurs avait laissé l’histoire de la nature, sut, par des méthodes simples et par des définitions courtes et claires, mettre de l’ordre dans cet immense labyrinthe, et rendre facile la connaissance des êtres particuliers ; le second, rebuté de la sécheresse d’écrivains qui pour la plupart s’étaient contentés d’être exacts, sut nous intéresser à ces êtres particuliers par les prestiges de son langaga harmonieux et poétique : quelquefois, fatigué de l’étude pénible de Linnæus,