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ployées sous le ministère Villèle, pour empêcher l’expression libre, franche et loyale des colléges électoraux, avaient pu seules rendre nulles, pour quelques années, les prévisions de ce génie universel. Je dis, pour quelques années, puisque ces mêmes manœuvres sont devenues plus tard inutiles pour contraindre la volonté nationale, et qu’elles n’ont pu arrêter la chute de ce ministère.

M. Cuvier n’était pas plus un homme de parti en politique que dans les sciences ; son génie lui faisait voir de trop haut les débats politiques ; et, de ce point de vue élevé, les passions des hommes se rapetissaient si fort à ses yeux, qu’il répugnait d’y prendre couleur.

Le seul sentiment qui l’anima, qui domina toutes ses opinions, tous ses jugemens, était celui de la justice universelle et de l’ordre. Cet ordre, si nécessaire au bonheur commun, aux améliorations progressives de l’état social, il le comprenait dans une juste distribution des travaux et des pouvoirs selon les facultés, et dans une ferme direction de la machine gouvernementale pour le plus grand bonheur de tous. Mais son jugement exquis, si fort d’expérience et de science, était souvent blessé des faux jugemens et de l’inexpérience qui se chargeait de cette direction ; et bien plus encore de celle qui voulait en déterminer la marche avec une courte vue, aussi peu capable d’apprécier la force qui devait l’imprimer, que de découvrir la route à parcourir et les obstacles qui pouvaient s’y rencontrer.

Les hommes supérieurs, qui voient les affaires humaines sous toutes les faces, lorsque le vulgaire ne peut en découvrir qu’une faible partie ; qui calculent leurs actions réciproques de manière à en prévoir les résul-