vite abusé d’un régime de liberté absolue auquel elle n’avait pas été accoutumée par les gouvernements antérieurs. On doit reconnaître que l’opinion française pendant cette période, a donné des preuves très remarquables de continuité et de sang-froid. Les alertes allemandes de 1875 et de 1883, les incidents provocateurs de 1887 (incident Schnaebelé), de 1905 (Tanger), de 1911 (Agadir) s’accompagnèrent d’attaques furieuses ou perfides de la part des journaux allemands. Le pays garda en ces circonstances graves sa lucidité et sa sérénité. Il en fut de même au moment des incidents de Fachoda (1898) et de Casablanca (1908). À l’intérieur, le 16 mai, la démission de Jules Grévy, le boulangisme, l’affaire de Panama, les attentats anarchiques, la tentative de Déroulède aux obsèques de Félix Faure, les mesures prises contre les congrégations, l’application de la loi de séparation de l’Église et de l’État, les grèves de certains services publics, les troubles du midi et ceux de Champagne provoqués en 1907 et 1911 par la crise viticole… tout cela a passé sans provoquer de secousses profondes et sans détourner l’opinion de sa ligne de conduite réfléchie et voulue. Deux fois seulement il lui est arrivé de se départir momentanément de son calme et de se laisser entraîner plus loin qu’il n’eût fallu : une première fois lors des campagnes menées contre Jules Ferry et qui atteignirent un paroxysme de haine inexplicable, une seconde fois lors de l’affaire Dreyfus qui réveilla les échos de vieilles hostilités ethniques qu’on eût pu croire apaisées par le temps.
Page:Notre France - Coubertin.djvu/190
Apparence