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tes larges et sculpturaux, et c’est avec un mouvement superbe que la tragédienne prononce la question fatale.

Je viens de parler de gestes sculpturaux. En effet, non seulement, Mlle Meyer nous révèle dans Elsa une création dramatique vraiment belle, mais elle nous fait éprouver ce genre de plaisir purement artistique qu’on ne demande d’habitude qu’aux arts du dessin. Par là elle justifie, autant qu’il est possible, une des prétentions les plus excessives que Wagner a émises dans sa jeunesse en faveur du drame lyrique. Il croyait alors que la sculpture grecque doit sa supériorité à un épanouissement artistique vivant, dont la tragédie fut le sommet, et qu’elle n’est devenue véritablement un art qu’après la mort de celle-ci, sous le coup du désir de conserver au moins l’image de la beauté qui abandonnait la vie. Se fondant sur cette hypothèse assez problématique, il n’a pas craint d’affirmer dans l' Œuvre d'Art de l' Avenir que lorsque la tragédie lyrique aurait vraiment refleuri, cela en serait fait de la peinture et de la sculpture, devenues encore une fois inutiles. Il y a là, une exagération manifeste, comme Wagner l’a du reste reconnu lui-même. Mais si les arts plastiques n’auront pas à disparaître devant le drame musical, Mlle Meyer nous a prouvé que celui-ci peut du moins les inspirer. Quelques personnes lui ont reproché l’ampleur trop grande de ses gestes ! Qui ne voit donc que dans la tragédie lyrique, les mouvements du corps humain doivent s’élever au-dessus de ceux que permet le simple drame récité autant que le chant dépasse la simple déclamation ? — En vérité tout compositeur qui, comme Wagner, a vraiment l’instinct de la grande tragédie, trouve des rhythmes qui, par leur beauté et leur grandeur, exigent de tels mouve-