Page:Noufflard - Lohengrin à Florence, 1888.djvu/33

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— Mon ami, fit-il avec une voix chantante, vos reproches sont peu fondés. Si j’ai introduit l’air dans l’opéra et si tout le monde en a été ravi, c’est que, sans vous faire tort, vos éternels récitatifs avec leur maigre accompagnement, étaient vraiment trop ennuyeux. Tenez, si Wagner a pu faire ce qu’il a fait, il le doit à ces deux hommes là. — Et, ce disant, il montra du doigt Scarlatti et Bach qui se promenaient bras dessus bras dessous. — L’un a donné à la mélodie de chant la beauté souveraine, l’autre est le fondateur de la symphonie. Voilà les deux éléments dont la réunion a seule rendu possible le drame musical moderne ; et la part qui revient à l’un, n’est pas moindre que celle qui appartient à l’autre.... Cessez donc de médire de la belle mélodie de chant : c’est l’honneur suprême de l’Italie que de l’avoir donnée au monde, et sans elle vous n’eussiez eu ni Mozart, ni Beethoven, ni Wagner.

— Très bien ! Très bien ! Cavalli, s’écria Wagner, qui, lui aussi, était venu se joindre au groupe. Et, comme ce diable d’homme n’a pas perdu dans l’autre monde, la manie qu’il avait dans celui-ci, de ne jamais laisser échapper l’occasion de faire un discours, il monta sur un tertre et s’exprima en ces termes.

— Il est un pays béni des dieux, où les fleurs roses s’épanouissent sur les bords d’une mer azurée. C’est là qu’est née Vénus, et c’est là que la mélodie a revêtu les formes enchanteresses, grâce auxquelles elle a pu jouer dans le domaine des sons le rôle qui appartient dans la vie à la déesse de Cythère. Oui, la mélodies italienne, c’est la femme, la femme dans tout l’épanouissement de ses attraits, et sans laquelle le monde ne serait qu’aridité et stérilité. Voyez Bach. Il n’est pas de plus grand génie.