Page:Noufflard - Lohengrin à Florence, 1888.djvu/32

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réuni de tous les maîtres de la grande école allemande, depuis Bach jusqu’à Beethoven.

— En tous cas, reprit Péri, il n’en reste pas moins que ce que nous avons voulu, c’est, comme Wagner, le drame. On parle toujours de l’opéra italien, comme d’un genre absurde, où le bon sens est sacrifié à la virtuosité ; on oublie trop ce que nous avons fait, nous autres Toscans, qui en sommes les fondateurs. Comme notre nature offre un contour ferme qu’une belle végétation pare sans le noyer, comme nos peintres et nos sculpteurs n’ont jamais perdu de vue la structure organique du corps humain, comme nos poètes enfin n’ont vu dans les vers que le beau vêtement de la vérité, nous n’avons jamais conçu la mélodie que comme une forme expressive destinée à manifester le drame ! Ce sont les Vénitiens qui ont introduit le baroquisme à la fois dans les arts plastiques et dans la musique ! Est-ce là l’effet de l’élément bleu, mou et dissolvant qui les entourent ? Je ne sais, mais ce que les Vénitiens avaient commencé, ce sont les Napolitains qui l’ont achevé ! Et si Cavalli[1] a introduit l’air dans l’opéra, Scarlatti en a fait la chose principale. Cela a été comme une inondation qui a submergé le pur et noble génie toscan. Et voilà comment ce que Florence, elle-même, aurait pu faire, c’est un Allemand qui nous l’apporte.

À ce qu’il paraît, dans le monde des ombres comme dans le nôtre, on ne peut parler du loup sans en voir les oreilles. Péri n’avait pas prononcé le nom de Cavalli, que celui-ci était déjà là.

  1. De son vrai nom Caletti-Bruni.