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MORS ET VITA


Aux grands blés roux, buvant ses haleines de feu,
Et vers les rivières vermeilles,
L’été, sur un signe de Dieu,
Fait avec ses rayons de sauvages corbeilles
De ces asiles tout en fleur où les abeilles,
Dans l’herbe haute et drue ainsi que des remords
D’un long bourdonnement ensommeillent les morts.

À midi, le soleil silencieux qui tombe
Grave, comme un chat d’or s’allonge sur la tombe,
 Dont la blancheur brûle, éclatant,
Parmi l’argile rose ou les avoines folles,
Pendant que le lézard entend
Passer dans les bruits vains et les vagues paroles
La robe, ayant l’odeur de nos amours défunts,
De la mort, mère et reine des parfums.

Tramée avec les fils du rêve
Voici s’assombrir l’heure où la lune se lève
Et le lourd laboureur qui rentre, réfléchit
 Sur la route où l’air pur fraîchit,
Le long des murs sacrés, et son cœur croit entendre
Une voix étouffée ou tendre
Dans la nuit bleue et noire ainsi que le corbeau…
La nuit donne la vie aux choses du tombeau.

Cependant là-bas dans les nécropoles
Sur qui la nue ardente ébauche des coupoles,
Et qu’endorment les cris confus et les oiseaux
Des villes, dont le vaste oubli pèse à ses os,
Une immobile multitude
Poursuit le même rêve en la même attitude.