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SAVOIR AIMER


Et depuis tant d’hivers que les soleils lassés
Ne comptent plus les noms par les vents effacés.
Malgré leur solitude qui s’ennuie
Au cantique filtré sur leur front par la pluie,
Elles peuvent goûter encore des jours bénis
Ces pauvres âmes désolées,
Vers la douce époque des nids
Sous les funéraires feuillées,
Quand mai de sa main fine aux grilles des caveaux
Attache des bouquets et des regrets nouveaux,
Ou quand leur commune patronne,
Leur fête fait éclore une triste couronne :
Ce jour-là plus d’un deuil charmant qui vient errer
Dans les sombres jardins, tressaille à rencontrer
Sous les branches d’automne à peine encore vertes,
L’impériale odeur des tombes entr’ouvertes.
Et tous ceux du village et ceux de la cité,
Ceux qui sourient d’avoir été
De gais bouviers dans la campagne,
Et ceux dont la statue en marbre est la compagne,
Ces morts que Dieu sema comme on sème le blé,
Tous dorment d’un sommeil si peu troublé,
Qu’il semble que la vie
À ces mornes reclus
Lugubrement ravie,
Ne doive jamais plus
Monter ni redescendre
Des yeux pleins de nuit noire au cœur tombant en cendre !
Aucun orchestre en floraison
Sous les bosquets royaux dans la chaude saison
Aucune orfèvrerie amoncelant ses bagues,
Aucun Océan soucieux