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CANTIQUE À LA REINE


Et c’est pourquoi l’on voit jaillir de leur étui
Tant de poignards avides,
Et c’est pourquoi l’on voit que les cœurs d’aujourd’hui
Sont des sépulcres vides ;

Voilà l’éternel cri que je sème au vent noir,
Sur la foule futile ;
Tel est le grain d’encens qui fume en l’encensoir
De ma vie inutile.

Cependant bien que j’eusse encore peu combattu
Pour sa sainte querelle,
Mes yeux, l’ayant fixée, ont vu que la vertu
Est étrangement belle ;

Que son corps s’enveloppe en de puissants contours,
Et que sa joue est pleine,
Qu’elle est comme une ville, assise avec ses tours,
Au milieu de la plaine ;

Que ses yeux sont sereins, ignorant l’éclair vil,
Ainsi que les pleurs lâches,
Que son sourire est gai comme une aube en avril,
Que, pour de nobles tâches,

Les muscles de ses bras entrent en mouvement
Comme un arc qui s’anime,
Pendant que son cou porte impérialement
Sa tête magnanime ;

Qu’un astre sur son front luit plus haut que le sort
Et que sa lèvre est grasse,
Et qu’elle est dans le calme enveloppant l’effort,
L’autre nom de la grâce ;