Page:Nouvelle revue germanique, tome 14, 1833.djvu/236

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2.

Le matin doit-il toujours revenir ? La puissance terrestre ne finit-elle jamais ? Nos malheureuses occupations enlèvent à la nuit le charme qui lui appartient. Quand verra-t-on fumer sans cesse le sacrifice mystérieux de l’amour ? La durée de la lumière est déterminée, mais la durée et la puissance de la nuit sont sans bornes. Heureux sommeil, ne viens pas trop rarement consoler dans leur vie de chaque jour les élus de la nuit. Ils sont fous ceux-là qui te méconnaissent. Ils ne sentent pas ta présence dans les flots d’or qui découlent de la grappe, dans l’huile de l’amandier, dans le suc du pavot. Ils ne savent pas que c’est toi qui planes autour de la jeune fille et qui emportes son cœur au ciel ; ils ne pressentent pas que tu nous arrives du domaine des anciennes histoires, et que tu portes, messager secret, la clef de la demeure des bienheureux et des mystères infinis.


3.

Un jour je répandais des larmes amères ; la douleur avait dissipé mon espérance, et j’étais seul auprès de ce tombeau sombre qui cache tout ce qui faisait la force de ma vie ; seul, comme personne ne pouvait l’être, sans appui et n’ayant plus qu’une pensée de malheur ; j’appelais du secours sans pouvoir aller ni en avant, ni en arrière, et je m’attachais avec ardeur à cet être que j’avais vu mourir. Alors des lointains bleuâtres, des lieux témoins de mon ancienne félicité, un doux rayon vint à poindre ; la pompe terrestre s’enfuit, et avec elle ma tristesse ; je m’élançai dans un monde nouveau, immense, tu descendis sur moi, inspiration de la nuit, sommeil du ciel ; la contrée s’éleva peu à peu, et sur la contrée planait mon esprit dégagé de ses liens. Le tombeau près duquel j’étais assis, m’apparut comme un nuage, et à travers ce nuage j’aperçus les traits rayonnans de ma bien-aimée. L’éternité reposait dans ses yeux, je pris ses mains,