Page:Nouvelle revue germanique, tome 14, 1833.djvu/235

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sa présence qui nous révèle les merveilles de l’empire du monde.

Et moi, je me tourne vers cette nuit sainte, mystérieuse, indéfinissable. Le monde est là comme dans un profond tombeau, et triste et déserte est la place qu’il occupait. La douleur soulève ma poitrine, je veux baigner mon front dans la rosée et me jeter dans la cendre des cimetières. Puis les lointains souvenirs, les désirs de la jeunesse, les rêves de l’enfance, les joies si courtes de la vie et les espérances fugitives, se rangent autour de moi, en habits sombres, comme les nuages après le coucher du soleil.

Mais d’où vient donc que tout à coup je sente s’apaiser ma souffrance ? Te plais-tu aussi avec nous, nuit obscure ? Et que portes-tu sous ton manteau qui agisse si puissamment sur mon ame ? Un baume précieux découle de tes mains et de tes bouquets de pavots. Tu élèves les ailes de la pensée, et nous nous sentons vaguement émus. J’aperçois une figure grave qui se penche vers moi pleine de douceur et de recueillement, et qui, au milieu des baisers d’une mère, me montre ma belle jeunesse. Que la lumière du jour me semble pauvre maintenant, et comme j’en salue avec bonheur le départ ! Ainsi, mon Dieu, tu as jeté dans l’espace ces globes étincelans pour annoncer ta toute-puissance. Mais les pensées que la nuit éveille en nous, peuvent nous paraître d’une nature plus céleste encore que ces étoiles brillantes. Car elles s’élèvent au-delà des astres les plus élevés, et pénètrent, sans le secours de la lumière, jusqu’à l’être qui occupe un des lointains espaces de ces sphères. L’amour t’envoie à moi, oh, ma douce bien-aimée ! comme le soleil de la nuit, maintenant je veille, car je suis toi et moi. Tu as voulu que je vécusse dans la nuit, tu m’as rendu homme. Viens donc, esprit de feu, détruire mon corps, afin que je m’élance dans les airs auprès de toi, pour célébrer à jamais notre nuit de fiançailles.