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DES FRAGMENS DE NOVALIS.


Que celui qui se sent malheureux, que celui qui ne trouve pas au milieu des hommes ce qu’il cherche, s’en aille au milieu de collections de livres et d’ouvrages d’art ; qu’il s’en aille surtout au sein de la nature, cet être éternellement antique et moderne, et qu’il vive dans cette ecclesia pressa d’un monde meilleur ; il y trouvera bien sûr un ami et une patrie, un amour et un Dieu. Ces poètes, ces artistes dorment, mais d’un sommeil qui signifie beaucoup ; et un jour viendra que ces élus d’un monde meilleur verront, comme Pygmalion, les choses qu’ils ont formées s’éveiller radieuses de gloire autour d’eux et répondre à leur amour.


La nature est une harpe éolienne, un instrument musical dont les cordes et les touches sont en nous.


La musique parle une langue universelle, qui réveille à l’instant l’esprit. Cette langue lui est si douce à entendre et si connue : il se retrouve aussitôt dans sa patrie. Alors l’amour, le sentiment du bien, l’avenir et le passé, l’espérance et le désir, tout lui revient à la fois. Notre langue était dans l’origine beaucoup plus musicale : elle s’est successivement prosaïsée ; elle est devenue un son ; elle doit redevenir un chant.


Toutes les sensations de l’esprit ressemblent au toucher d’une baguette magique, et tout peut devenir un instrument de magie. Quel est celui qui ne voudrait regarder que comme fabuleux l’effet d’une parole magique, s’il se souvient de l’impression produite par le premier serrement de main de sa bien-aimée, par le premier regard expressif qu’elle lui a accordé, par le premier baiser, par le premier mot d’amour ?


Les femmes ont une physionomie pleine d’idéalisme : elles peuvent manifester leurs sensations non-seulement d’une ma-