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Jean-Chrétien-Frédéric Hœlderlin, un des plus beaux hommes de son temps, naquit le 29 Mars 1770 à Lauffen, petite ville sur le Neckar, où son père administrait les biens de l’église. Il entra au séminaire protestant de Tubingue en 1788, à cette époque remarquable où la philosophie de Kant sapait les fondements de l’édifice élevé par Wolf et Leibnitz. L’esprit ardent de Hœlderlin ne resta pas indifférent à cette lutte des idées et pendant son cours de philosophie il apprit à marcher sur les traces des novateurs. Mais bientôt il se fraya une route nouvelle, comme on peut s’en convaincre par la lecture d’Hypérion, et par celle de deux dissertations qui lui valurent en 1790 le grade de docteur en philosophie. Dans la première il compare les travaux et les jours d’Hésiode avec les proverbes de Salomon ; dans la seconde il donne une histoire des arts chez les Grecs. Personne n’a pu me dire où Hœlderlin, après avoir achevé sa théologie, passa son temps jusqu’en 1797, époque à la quelle il publia le premier volume d’Hypérion. Cet ouvrage, dont le second volume parut en 1799[1], fut accueilli avec enthousiasme ; sa prose poétique promettait à l’Allemagne un grand poète de plus. Des poésies fugitives[2], insérées dans la Thalie et l’Almanach des Muses de Schiller, ajoutèrent encore à la réputation de Hœlderlin. Cependant la terre natale ne lui plaisait plus, il cherchait une terre de liberté. Il quitta en conséquence l’Allemagne pour accepter une place de gouverneur à Bordeaux, quand la France était encore une république. C’est là qu’il traduisit, avec un rare talent, les Tragédies de Sophocle et qu’il puisa les germes d’une maladie mentale qui ne tarda pas à prendre un caractère tellement grave, qu’il fallut le ramener en Souabe et renoncer bientôt à l’espoir de le guérir. Les uns disent qu’il devint fou par orgueil, les autres, par amour, ou par

  1. La seconde édition d’Hypérion parut en 1822.
  2. Recueillies en 1826.