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Le désordre, le caprice, l’incohérence, le tumulte sont inséparables de l’entassement funèbre des cimetières. On dirait au premier aspect qu’il y a eu précipitation de la part des vivants à se débarrasser des dépouilles de leurs morts. Elles semblent déposées ici et là au hasard de la fantaisie ou de l’emplacement disponible. Les tombes obscures, sans ornements font obstacle à l’attrait des grandes sépultures. Elles en masquent la perspective, elles en détruisent l’effet. L’encombrement exclut l’harmonie ; il est la négation de toute ordonnance.

Il y a plus. Le temple attire ; la nécropole repousse. L’église est un lieu de prière et d’espérance ; le cimetière évoque les larmes ou l’angoisse. Le silence gardé dans le temple est commandé par la majesté de l’édifice. Les visiteurs aphones de nos nécropoles cèdent sans y songer aux tortures d’un regret ou d’un pressentiment. Là, tout était lumière, apaisement, orgueil ; ici tout est ténèbres, inquiétude, humiliation. C’est malgré nous que nous franchissons la barrière des nécropoles modernes, conduits dans le « champ funèbre » par nos deuils personnels, et, aussi souvent que nous nous sentirons sollicités de revoir les superbes monuments de Jean Reynaud, de Couture, de Foy, de Vivant Denon, de Pradier, une sorte de malaise intérieur nous empêchera de donner libre cours à notre impulsion. Quelque souvenir amer se dressera devant notre désir d’admirer de belles œuvres,


On diffère, et la vie à différer se passe !


Conclusion : les tombeaux sans cesse visités dans les temples sont à peine connus depuis qu’on les a relégués dans les cimetières.

Il résulte de ce fait une situation mauvaise pour le renom de notre école, une déperdition de gloire pour les maîtres du marbre. Car, ne craignons pas de l’affirmer, en réalité, le vrai musée de la sculpture française en ce siècle ce sont les cimetières de Paris. C’est là qu’il faut chercher les plus belles œuvres des Bosio, des Cartellier, des David, des Duret, des Pradier, des Rude, des Chapu. Il n’est donc pas permis